Une discussion sur le rôle des chats domestiques dans l’équilibre de l’écosystème a récemment eu lieu en marge de la dernière assemblée générale de Ruisseau Jackson (RJANP). La discussion se tenait dans le contexte de la récente annonce de l’oiseau emblématique de Ruisseau Jackson. Un article du Bulletin de nouvelles de Morin-Heights a été porté à l’attention des participants. Faut-il s’en faire pour la faune aviaire du bassin versant?
Dr Lena Measures, auteure de l’article est une biologiste de la faune. Membre de Ruisseau Jackson, elle nous permet de reproduire ici cet article de mars 2012. Une copie de l’étude complète peut être obtenue par ceux qui en feront la demande
Le chat domestique – une espèce exotique invasive
L’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature, a classifié le chat domestique,Felis silvestris catus, comme une espèce exotique étrangère invasive parmi les 100 pires au monde. Descendants des chats sauvages africains, domestiqués en Égypte il y a plus de 9000 ans, le chat domestique tombe dans ces deux catégories: le chat d’intérieur (en tout temps) et le chat qui va à l’extérieur ou qui est errant. Tous les deux peuvent devenir sauvages s’ils se perdent ou sont abandonnés par leurs propriétaires. Un sondage effectué par Léger Marketing en 2008 a démontré que 29 % des foyers québécois possédaient un chat, avec en moyenne 1,6 chat par propriétaire, le nombre s’élève à 1,45 millions de chats domestiques et entre 435 000 et 725 000 chats errants.
Les chats domestiques sont des prédateurs, tuants les petits mammifères tels des oiseaux, particulièrement ceux qui font leur nid au sol et les oisillons, mais aussi des insectes, des amphibiens et des reptiles. Tous les propriétaires qui laissent leur chat se promener librement à l’extérieur ont vu leur chasseur rapporter des souris ou des oiseaux morts ou parfois encore en vie. Ces chats bien alimentés ne chassent que par instinct, pour jouer et non pour se nourrir. Des études au Royaume-Uni estiment que ces chats d’extérieur tuent de 52 à 63 millions de mammifères, de 25 à 29 millions d’oiseaux et de 4 à 6 millions d’amphibiens et de reptiles par année, dont un taux de mortalité de 30 % chez les oiseaux attribué aux chats.
Les chats ont causés l’extinction de plusieurs espèces de petits mammifères indigènes, d’une trentaine d’espèces d’oiseaux, ont menacés certaines espèces à risque ou contribués au déclin de leurs populations (le merlebleu de l’Est et le colibri à gorge rubis en sont des exemples). Les chats errants et sauvages peuvent aussi faire concurrence aux prédateurs naturels tels les visons, ratons laveurs, moufettes, renards et rapaces. Dans une étude récente menée par le Ministère de la Faune et des Ressources naturelles du Québec, les chats (errants et d’extérieur) comptaient pour 25 % des captures, dans les pièges installés pour attraper des moufettes et des ratons atteints de la rage.
C’est un fait que les chats errants et les chats sauvages ont un impact important sur la santé publique et celle de la faune comme ils transmettent des maladies, les plus connues étant la rage et la toxoplasmose. Davantage de chats que de chiens ont été atteints de la rage depuis 1980 et les chats sont les seuls hôtes de la Toxoplasma gondii , un parasite qui peut causer l’avortement chez la femme enceinte et des anormalités au foetus. Les excréments infectés qui ne se retrouvent pas aux ordures constituent une source du problème.
Les chiens errants peuvent aussi attaquer les animaux sauvages ou domestiques ou encore les humains, mais il existe des règles strictes à cet égard dans notre société, telles celles sur l’immatriculation et le port de la laisse. La plupart des chiens sont vaccinés contre la rage et les propriétaires responsables sont conscients de l’importance de ramasser les besoins de leur chien, éliminant ainsi les excréments comme source de maladie. Quant aux chats, ils sont rarement immatriculés et peu de règles sont mises en force lorsqu’ils quittent la propriété de leur maître. Étant petits et furtifs de nature, les chats ont tendance à demeurer dans des endroits cachés, ils sont rarement visibles rendant donc l’application des règles difficile, particulièrement en milieu rural et de banlieue. Au Québec, près de 40% des chats qui se retrouvent en refuge pour animaux sont des chats à qui on permet d’aller à l’extérieur librement.
Garder les chats à l’intérieur prolonge leur vie et assure leur santé et leur bien-être. Les chats errants vivent rarement plus d’un an, mourant fréquemment affamés ou gelés, par temps froid. Dans les Laurentides, de nombreux chats sont tués notamment par des pékans. Les propriétaires responsables et bienveillants gardent leur chat à l’intérieur en tout temps ou leur offre un espace extérieur sûr et clôturé, les stérilisent afin d’éviter une litière infectée, leur fournissent un poteau à gratter et peut-être même un autre chat pour s’amuser. Il est aussi important de les munir de vaccinations annuelles, de les identifier par une micro-puce et un collier avec leur nom, votre adresse et numéro de téléphone en cas de fugue et de jeter les excréments ramassés ainsi que le contenu de la litière aux ordures afin de réduire la propagation de maladies.